lundi 10 août 2009

Sortir du bocal et ne plus y rentrer





Je suis restée enfermée, dans mon bocal, pendant plusieurs jours.

Non, plus exactement, j'ai sauté dans mon bocal la semaine dernière, en posant simplement le couvercle au-dessus, sans le refermer. Si, j'ai fait un tour, mais c'est tout. Entrevoyant des cieux plus cléments au-dessus de ma tête, j'ai même, plus tard, dans un accès d'optimisme aigu, dévissé le couvercle et l'ai posé à côté, pas trop loin, tout de même. En cas de besoin, en cas d'urgence, il vaut mieux être prévoyant.

Sage décision. A mesure que les journées s'écoulaient, lentes, pleines de questionnements, j'ai, tout doucement, remonté le couvercle, en catimini, sans que personne ne s'en aperçoive. Le dernier jour de la semaine, je l'avais fermé hermétiquement, à double, puis triple tour: plus d'air extérieur, juste moi. Ah comme c'était bon, comme de retrouver une vielle compagne, fidèle on ne peut plus!

Mais, non, non, pas du tout. Le grand malheur s'est abattu sur moi, mélange de culpabilité exacerbée, d'avoir cédé à la tentation du couvercle et de désenchantement causé par une prise de conscience terrible de mon état allant s'aggravant, inéluctablement, avec le temps, comme dans la chanson de Mano Solo qui ne m'a plus quittée.

Non contente de m'être enfermée dans ce bocal; pour être sûre d'y rester longtemps, j'ai même posé un gros livre dessus, ainsi, j'étais assurée d'être tranquille. Un gros livre, pesant plutôt, qui parlait de quoi, justement à ce moment critique de ma vie? Vous n'y croirez pas vous-même: de la dépression, puis du suicide du frère de Denis Podalydès. Je lisais Voix-off (mais le livre ne parle pas que de ça, je vous rassure, il parle de voix comme son titre l'indique bien) et comme je le comprenais ce frère qui ne parlait plus, qui n'attendait plus rien, en colère contre tout le monde et plus encore, contre ses proches, sur lesquels il déversait en flux incessant, son aigreur et son malheur, jusqu'à ce que plus personne ne vienne le voir. Alors, je lisais et je me disais, oui moi aussi, c'est exactement pareil, je vais devenir comme lui, je suis déjà aigrie, bientôt plus personne n'osera me parler et je resterais seule au monde, sans personne et un jour, il faudra bien que je me résolve à la seule et ultime solution. Oui, celle-là, celle à laquelle vous pensez. Je lisais et c'est comme si j'étais devenu le frère de Denis Podalydès. Et puis, son père, oui son père, était terriblement colérique, comme le mien, voilà mon avenir était tout tracé.

Je me suis finalement endormie puis réveillée, au milieu de la nuit à cause d'un cauchemar atroce, de ceux qui vous enserrent la poitrine, vous empêchant de respirer. "Oh, comme je suis malheureuse. Je fais des cauchemars depuis une semaine, c'est un signe que je ne vais pas bien. Je ne vais pas bien, je vais de plus en plus mal, de plus en plus mal et ce sera de pire en pire."

Le lendemain, j'allais plus mal.

Je suis allée cueillir des mûres, petite acalmie. Et si je dévissais un peu le couvercle? Un tout petit peu alors, on ne sait jamais. Et j'ai bien fait! Arrivé le moment des achat pour le pique-nique...

- Oh, mais vous alliez faire un pique-nique? Quelle chance! J'adorerais en faire un...

Oui, oui, je ne suis pas la plus à plaindre, mais il a suffit d'un petit désaccord sur le "prendre ou ne pas prendre du fromage?" Puis le "prendre ou ne pas prendre de l'emmental?" Pour que, hop, je grimpe vite, tout en haut de mon bocal chéri et que, plus vite encore , je referme le couvercle! Ouf, sauvée! Les nuages sombres ont recouverts le tout d'une chape lourde et menaçante.

Destination: le Cap Fréhel. Pique-nique sur la plage. Grand soleil, mais grand vent, température glaciale, je garde ma polaire sur la plage, alors que tous les estivants sont en maillots de bain. Mais comment font-ils? C'est bien connu, la mauvaise humeur donne froid. Le corps se contracte et au moindre souffle d'air un peu froid, gèle. Le pique-nique s'achève. Je veux lire (autre chose) : impossible. Je veux dormir: impossible, mais je végète sans aucune difficulté. Deux longues heures passent ainsi, le vent, les vagues, les joueurs de raquettes, jeunes, bruyants, turbulents, heureux, insouciants, libres...

Je foule des pieds la lande du Cap Fréhel. J'entends les abeilles fredonner, je dévisse un peu. Je vois les couleurs magiques, le rose-mauve de la bruyère se mêlant au jaune des ajoncs. Quel spectacle splendide! Quelle orgie visuelle et olfactive! Quel ravissement des sens! La Manche nous berce et nous ravit de son bleu marin, de ses goélands, mouettes, cormorans, des strates des immenses roches de granit rose qui surgissent de ses flots. Un paysage idyllique et pourtant se déverse un flot continu de paroles, noires, cyniques, irrationnelles. Assez! Je me tais.

Retour silencieux.

A notre arrivée, on nous accueille avec moults sourires, questions, intérêt vif pour l'escapade Cap-Fréhélienne. Je dévisse, tout doucement et finit par lâcher ce satané couvercle, de toute sa hauteur.

Il suffit donc d'un sourire, d'une parole que l'on attend plus, il suffit de se savoir aimée par ceux que l'on attendait plus, pour chasser tous les nuages sombres et gorgés d'eau, pour laisser place à une brise légère!
Rien, cela ne tient à rien, un fil ténu, presque transparent. Il menace sans cesse de rompre, comme le charme. Quand il s'agit des jeux de l'esprit, il n'y a plus de raison, plus de logique. Il faut peut-être, tant que l'on en est encore capable, se laisser porter et se rappeler que les états d'âme ne durent jamais... Oscar, Oscar Wilde? C'est bien vous! Quelle joie, quel bonheur immense de vous savoir parmi nous! Grâce à vous, nous sommes certains de passer une merveilleuse soirée! Mais entrez-donc, je vous en prie! Martha, Martha! Apportez-nous donc quelques rafraîchissements, Mr Wilde, ici présent, nous fait l'honneur d'être à notre table, ce soir! N'est-ce pas exquis, Mr Wilde! Je ne vous attendais plus! Musique!

Clin d'oeil à Oscar Wilde: cliquez......"ici"!


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