Je rougis facilement.
Du plus loin que je me souvienne, je deviens rouge, comme une tomate, une pivoine.
- Et pourquoi pas une rose?
- Tiens pourquoi pas!
- Et pourquoi pas comme une tulipe?
- Non, pas assez sérieux.
- Un dahlia?
- Non, ça ne va pas non plus, on pense au Dahlia noir plutôt qu'au rouge.
Pour un oui, un non, prononcé un peu trop fort, mes joues se teintent de mille feux.
Ce rouge-rosé se voit, d'autant plus, que ma peau est très claire. Une peau de rousse, sans les cheveux et avec quelques rares tâches de rousseur, qui n'apparaissent qu'après de longues heures d'exposition solaire, chose que j'évite comme le diable, vous comprendrez bien pourquoi.
Le rouge n'illumine pas le haut de mes pommettes, comme un fard, déposé délicatement par un pinceau de soie, non il déborde, coule, gagne la joue entière, œuvre expressionniste s'il en est.
Qu'il vente ou qu'il fasse grand soleil, mes joues s'enflamment.
Que je rie ou pleure, je m'empourpre.
Que la tristesse ou la colère s'emparent de moi, je m'embrase, non de passion ardente ou d'amour fou. Les joues seules dépassent, exagèrent passablement mes émotions. Elles ne savent pas lire les idiotes, les emportées. Elles réagissent au quart de tour, n'attendent pas leur tour, ni ne réfléchissent avant d'agir, aux conséquences tragiques de leurs actes.
- Attention, attention, émotion en vue! Paré à tirer! Elle est dans ma ligne de mire! J'attaque!
Tireurs d'élites, chevaliers aguerris, elles dégainent leurs flèches plus vite que leur ombre!
Confiante ou mal à l'aise, les émotions se lisent sur mon visage comme les notes sur une partition de musique, comme les lignes de la main, non ça ne va pas, on ne lit rien sur les mains.
Je m'empourpre au premier regard, au premier sourire, au premier mot. Je me décompose comme une compote de pommes (rouges).
Enfant, dans la cour d'école, puis adolescente, des questions revenaient sans cesse. Une rengaine irritante :
- Tu rougis? Pourquoi est-ce que tu rougis? Mais... tu rougis?
- Mais, non pas du tout...
- Tu es gênée?
- Non, mais non...
Impossible de nier.
Heureusement, les adultes apprennent enfin, à tenir leur langue dans leur poche ou plutôt à la délier, sitôt la fille aux joues roses retournée.
C'est beau, une fille qui rougit, c'est touchant, cela peut même être émouvant.
- Comme un coquelicot? Rouge et fragile! On a comme envie de la protéger, de la prendre dans nos bras...
C'est terriblement gênant aussi, parce que cela arrive toujours, au moment où l'on voudrait que cela ne se voit pas. Mais, pourquoi grand dieu est-ce que je rougis lorsque je croise mon moniteur d'auto-école à la terrasse d'un café? Pourquoi est-ce que je rougis quand des gendarmes demandent de nous arrêter sur le bas-côté alors que ce n'est pas moi qui conduit!
- Quel drôle de géranium!
Mais je ne rougis plus lorsque je vais à la boulangerie ou lorsque je vais acheter des légumes au marché ou lorsque je suis malade, ou fatiguée, ou, ou, ou...non, je ne vois pas.
Timide, facilement impressionnable.
- Loulou, Loulou?
- Oui, c'est moi!
Photographies:
- Chloeelizabeth, we peeled the freckles from our shoulders
- Pink Bow, Black bun & bow
- Agnes Thor via Feaverish photography, son site, son flickr
Note personnelle: un grand coup de cœur pour ce blog Feaverish photography présentant les travaux de photographes, exceptionnels pour la plupart.