dimanche 25 octobre 2009

La fratrie



Il fut un temps, alors que nous sortions tous les trois de l'enfance et entrions doucement dans la vie adulte, où nous étions dans des situations de vie amoureuse similaires, c'est-à-dire, inexistante ou insignifiante ou en friche. Il fut un temps de véritable entente.

Nous devenions des personnes pensantes, commencions à avoir un certain recul sur notre enfance, sur ce que nous voulions faire de nos vie. Nous étions plein d'espoir, de confiance, nous étions intelligents, capables. Nous nous découvrions une complicité, dont nous n'avions pas conscience auparavant, une compréhension mutuelle, au regard des drames similaires que nous avions vécu.

J'avais enfin réussi à m'extraire du cocon familial. Je parle de cocon, mais il était loin de s'en approcher. Je noircis le tableau. Il y a eu, bien sûr, des moments idylliques, comme dans chaque enfance, si dure soit-elle, des moments qui nous rendent nostalgiques, parfois. J'étais partie loin, à l'autre bout du pays. J'étais enfin libre, je brillais dans mes études, j'avais quelques amis, parfois même des petits-amis. Je commençais à croire que moi aussi, je pouvais avoir une vie rêvée, une réussite méritée.

De cette séparation avec ma famille, est née la prise de conscience de l'importance que mes frères prenaient dans ma vie. Ils me soutenaient dans mon exil, m'écoutaient, m'épaulaient. Je me rendais compte, étonnée, que je n'étais plus seule, qu'ils étaient là.
Ils sont devenus mon roc, mes confidents, mes épaules secourables. J'avais de la chance, une relation complice, une vraie joie à les retrouver à chaque vacances scolaires.

Il fut un temps où nous sortions ensemble dans les bars, où nous dansions parfois. Je n'avais plus peur des autres. J'avais deux frères qui veillaient sur moi. C'était formidable. Un sentiment nouveau de sécurité.

Le temps est passé, les années, la vie adulte nous a rattrapée avec ses responsabilités. Enfin, moi, l'immature, je les fuis encore. D'abord l'un, puis l'autre sont tombé amoureux. L'un, d'abord douloureusement, va bientôt être papa, l'autre plus sereinement, s'est marié, a eu deux enfants. Ils se sont éloignés. Leurs centres d'intérêt ou plutôt leur priorités se sont déplacées.

Ces quelques années d'insouciance restent pour moi un paradis perdu. Quelques années où j'ai eu la chance d'avoir deux frères, présents, drôles, rassurants. Elles dureraient encore, si cela ne tenait qu'à moi. Pour eux, ce temps est passé. Je comprends très bien, enfin j'essaie.
Leur vie est ailleurs, leurs femmes, leurs enfants ou futurs enfants. Moi, je ne change pas, éternelle post-adolescente, avec les mêmes questions, les mêmes angoisses qu'ils trouvent aujourd'hui ridicules, qu'ils ne veulent plus entendre, dont ils se moquent et ils ont bien raison.

Je n'ai jamais ressenti le besoin de m'éloigner. Mais, c'est ce que je fais. Je ne les appelle plus dès qu'une idée me chagrine ou me remplie de joie. Je ne m'immisce plus dans leur vie. Un jour, l'un d'eux m'a ri au nez, lors d'une de mes crises d'angoisse habituelles. C'était fini. Plus jamais. Le charme était rompu. On en resterait à des relations de surface, d'échange de banalités. Ce n'est déjà pas si mal, après tout. Mais parle-t-on vraiment? Je me mets à en douter.

Il n'empêche qu'ils gardent toujours une place immense dans ma vie. Des reproches, des rancunes se sont insinués, mais le plus important reste là, inchangé.
Pourquoi est-ce que je parle de ça aujourd'hui? Je ne sais pas trop. Probablement, parce que j'aimerais comprendre.

Photographie:

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