Un des invités de Nan goldin, l'invitée spéciale des 40e Rencontres de la photographie d'Arles, était Jean Christian Bourcart.
L'exposition qu'il présentait m'a bouleversée. Comment en pourrait-il être autrement?
J'avais passé la journée à voir des expositions de photos dans toute la ville. Je trainais des pieds pour aller à l'atelier de mécanique n°16 ou 17. J'avais vu tout ce que je voulais voir et même plus. Mon fiancé insiste pour voir ce dernier lieu, consacré à la présentation des travaux des invités de Nan Goldin. 14 photographes qui la "touchent".
Plus ou moins intéressantes, la plupart des présentations ne m'ont pas captivées, trop fatiguée sûrement, pour faire l'effort de les regarder de plus près.
Je rentre dans la salle consacrée à Jean-Christian Bourcart. A priori, rien de moins ou plus que les autres, toutes au plus près du réel, de l'homme dans ce qu'il a plus terrible, de plus dérangeant. Nan Goldin choisit des artistes qui osent dépasser les limites de la décence, le conformisme quel qu'il soit.
Je trouve tout cela désespérant, pas de rêve, pas d'échappatoire, pas d'espoir. Je commence, cependant, à regarder les photographies de Jean-Christian Bourcart, mais surtout à lire les textes qui les accompagnent.
Il décrit ses rencontres avec les habitants de Camden (New Jersey), ville la plus dangereuse des Etats-Unis, mais ça je ne le sais pas encore. Je l'apprends à la fin. Pour l'instant, sur des feuilles de papier blanc, des textes au marqueur noir décrivent la brutalité des rapports humains, la violence que les hommes s'infligent à eux-mêmes, comme un terrible lieu commun, mais pourtant si réel: la drogue, l'alcool, le vol, les dealers et leurs clients, la prostitution, la misère. Il raconte avant tout, et c'est peut-être ce qui m'a attirée, comment un homme, étranger, blanc est perçu dans ce lieu, par quels procédés, il parvient à entrer en contact avec eux: par l'argent. Les habitants acceptent de poser pour lui en échange de quelques dollars. Il fait ensuite la connaissance d'un homme qui l'introduit dans les maisons, chez les gens pour 20 dollars. L'argent, passeport universel.
Une idée qu'il décrit m'a beaucoup marquée. Après la violence dans laquelle il a vécu quotidiennement, qu'il n'a pas seulement vue mais dont il a été victime, il conclut que finalement, cette ville n'est pas plus violente que le reste du monde. La violence de notre société contemporaine conduit vers les dérives de Camden et elle y est peut-être juste plus visible, plus directe et comment dire, moins hypocrite?
Il retourne régulièrement faire des photos à Camden, sans que rien ne l'y oblige, cette série n'est pas le résultat d'une commande, mais d'une démarche personnelle: il a cherché sur Google quelle est la ville la plus dangereuse des Etats-Unis et s'y est rendu pour faire des photos.
Un autre moment fort de l'exposition est la vidéo filmant les réactions des habitants face à leur portrait, certains se voit photographiés pour la première fois.
Je ne montre qu'une seule image de cette exposition (la dernière) qui n'est pas la plus représentative, peut-être la plus esthétique. Extraire quelques images, les sortiraient de leur contexte et elles en perdraient toute leur force. Seul l'ensemble des photographies avec les textes est porteur de sens.
Je repense, une fois encore, à ce que m'avait dit une amie étudiante en photographie. Une seule image n'a pas de sens. On peut tous réussir une photo dans notre vie. Ce qui fait sens c'est l'ensemble.
Les autres photographies que je montre, sont également de Jean-Christian Bourcart, qui vit et travaille à New-York, il a réalisé de multiples série de photos, dont des portraits et des photographies de mode.
- Jean-Christian Bourcart: le site
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